Fondement de la morale sociale universelle
[…] « Je partage en effet votre souffrance face aux divisions, à la cruauté des guerres et du terrorisme qui se multiplient. Or, les frontières sont décloisonnées entre les peuples. On est parvenu à l’universel et les armes sont totales.
Un sentiment de peur latent se répand… On se méfie les uns les autres et ce sont les cœurs humains qui se cloisonnent. On sent une sorte de dérive… comme si on ne voyait plus très bien où l’on va.
De toute évidence, l’homme n’est plus à la mesure du monde qu’il a engendré.
Ce problème de l’avenir du monde au seuil de l’an 2000… et donc l’urgence de s’acheminer vers la fraternité humaine, est ma préoccupation majeure, tant il me paraît capital, voire décisif pour les générations à venir.
Réfléchissant à la parole qui se fit entendre à la conscience humaine à l’aube de l’évolution fabuleuse qu’elle allait connaître : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. », autrement dit « Ne fais pas à l’autre ce que tu ne voudrais pas que l’on te fasse », cette parole m’est apparue dans toute sa simplicité et sa clarté. Elle est compréhensible pour tous, quelles que soient la race, la civilisation, la culture, la génération qui la reçoit.
« Ne fais pas à l’autre ce que tu ne voudrais pas que l’on te fasse à toi-même » est un principe essentiel et universel. C’est une loi de justice. N’est-elle pas le fondement de la morale sociale universelle ? C’est la loi spirituelle qu’ont reçue et les juifs et les musulmans et les chrétiens ! Pour y être fidèle ne les appelle-t-elle pas à converger au-delà de chacun, au lieu de s’opposer sans cesse les uns les autres. […]
Cet appel à la réciprocité et à la solidarité serait une loi de sagesse. Sans doute réveillerait-elle en beaucoup d’êtres humains cette source de générosité, d’amour même enfouie au fond de leur cœur, mais dont la tendance égocentrique a progressivement eu raison.
Cette loi ferait peu à peu prendre conscience que lorsque l’on fait du mal à l’autre, on se fait du mal à soi-même. Nous en vérifions la rigoureuse actualité en maints endroits du globe.
J’ai la conviction qu’il ne faut jamais lutter « contre » mais « pour » un grand but qui nous dépasse tous, mais qui transcende chacun de nous. L’infiniment petit est concerné et responsable, à sa mesure, de l’infiniment grand.
Ne faut-il pas proposer de beaux et grands projets à tous les êtres ? Tant d’entre-eux ont soif de se dépasser. » […]
Marguerite Ph. Hoppenot, fondatrice du Mouvement Sève.
Extrait de la lettre ouverte au Secrétaire général des Nations Unies,
M. Boutros Boutros-Ghali, 3 juillet 1995